Philippe Foley façonne le bois avec finesse

Audet, Québec

Situé à Audet, près de Lac-Mégantic, l’ébénisterie Philippe Foley conçoit des objets et des meubles porteurs de sens.

VIDÉO Victor Saliba
TEXTE Anne Genest
PHOTOS Rachel Fortin

Ils sont remarquables les objets et les meubles que façonne l’ébéniste Philippe Foley  à partir du bois qui l’environne. Avec sensibilité, l’artisan crée en laissant l’arbre lui suggérer le chemin à emprunter. 

«Chaque projet commence par une conversation parce que l’humain est plus important pour moi que l’objet», explique d’emblée l’ébéniste. L’artisan souhaite avant tout comprendre les besoins du client, mais aussi ses émotions, sa personnalité. Et ainsi faire transparaître dans la création le ressenti. C’est là que commence son processus créatif. Ensuite seulement vient le meuble ou l’accessoire. Philippe Foley conçoit des objets uniques, imprégnés de l’essence de la personne, et du bois qui le compose.

Tasses en bois de Philippe Foley dans son atelier de Audet
© Circuit-Court

Ce rapport au bois, il le cultive comme on tisse un lien d’amitié. «J’ai grandi entouré d’arbres. Leur présence m’apaise. Quand je vais marcher en forêt, que je sens le vent, que j’entends les oiseaux, je reviens à l’atelier avec la tête pleine d’idées.»

Lieu vaste et lumineux, l’atelier de l’artisan originaire du village d’Audet, en Estrie, est un prolongement de la forêt de son enfance. Il y crée dans un calme absolu, entouré d’odeurs de bois et de textures qui éveillent ses sens. C’est là que la magie opère. Il scie et fait sécher lui-même les essences locales qu’il utilise, parce qu’il veut tout connaître du matériau, suivre chaque étape de sa transformation. «Pour réaliser un travail de qualité, un ébéniste doit impérativement être en mesure de prédire le comportement du bois», explique-t-il. C’est ce rapport intime à la matière, nourri de techniques autant traditionnelles que contemporaines, qui guide sa pratique.

© Circuit-Court | Philippe Foley
© Circuit-Court | Philippe Foley

Diplômé de l’École nationale du meuble et de l’ébénisterie (ENME) du Cégep de Victoriaville en 2015, Philippe Foley a tout d’abord reçu une formation en ergothérapie, à l’Université McGill. Ce savoir transparaît encore dans sa façon d’approcher l’objet : il pense aux usages, à la posture, à l’ergonomie. Ce souci du détail et du confort correspond à sa quête d’esthétique et de durabilité. «Je cherche la beauté, oui, mais aussi la pérennité. Je veux que mes pièces traversent le temps.»

C’est d’ailleurs cette volonté de transmission qui l’a mené à créer sa Collection Héritage. Il conçoit ces meubles avec l’idée qu’ils seront transmis de génération en génération. À cette valeur affective s’ajoute une conscience écologique forte : utiliser de manière responsable une ressource précieuse afin de freiner la consommation de masse. Le bois qu’il travaille provient des forêts environnantes, une matière qu’il valorise jusque dans ses moindres fibres.

Couteaux à bois dans l'atelier de Philippe Foley
© Circuit-Court

Dans sa boutique, on trouve ainsi des objets originaux, pensés pour durer et s’inscrire dans le quotidien : des bols à café au lait, des verres à vin en bois, des salières et poivrières haut de gamme. Tous sont façonnés avec soin, souvent à partir d’essences locales qu’il a lui-même sciées et fait sécher. La planche à découper aimantée Fusion, faite en bois d’érable torréfié pendant 50 heures, illustre bien cette approche : en plus de son élégance, sa torréfaction ferme 90 % des cellules du bois, prolongeant ainsi sa durabilité. Vendue par centaines, elle a ouvert la voie à une gamme d’objets culinaires à la fois chaleureux et raffinés.

Ce souci de créer du lien dépasse l’objet. Il lui arrive d’ouvrir son atelier à des enfants en difficulté d’apprentissage ou en insertion sociale. Le bois devient alors un point d’ancrage, un médium pour renouer avec soi, avec les autres. « J’aime les gens autant que j’aime le bois », résume-t-il. Là encore, l’écoute est au cœur de sa démarche.

© Circuit-Court
© Circuit-Court | Philippe Foley

En choisissant de travailler lentement, avec intention, Philippe Foley s’oppose à la logique du rendement. Chaque pièce qu’il travaille est une invitation à ralentir, à ressentir. Il mise sur la qualité, la durabilité, la beauté sensible, à mille lieues des objets produits à la chaîne.

Du tronc à la table, du geste à l’émotion, Philippe Foley transforme le bois en langage. Et dans ce dialogue silencieux, il façonne bien plus que des objets : il façonne du sens.

© Circuit-Court | Philippe Foley
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Autrice·teur : Anne Genest
Portée par la course en sentier et l’écriture, Anne Genest s’intéresse à l’intime et au social, dans une langue sensible et singulière. (crédit photo : Julia Marois)