Atelier de vitrail avec Muriel Lassagne à Lac-Mégantic

Installée à Lac-Mégantic, Muriel Lassagne transmet l’art du vitrail avec une rare sensibilité. Pour elle, cette pratique est bien plus qu’un métier : c’est un espace de calme, d’expression et de beauté partagée.

VIDÉO Victor Saliba
TEXTE Anne Genest
PHOTOS Rachel Fortin

C’est dans un moment de grand bouleversement que Muriel Lassagne découvre le vitrail. Invitée à participer à un atelier d’art-thérapie, elle entre en contact avec le verre, la lenteur du geste, la lumière qui traverse la matière. L’expérience agit comme un révélateur. Elle entrevoit dans le vitrail un espace de calme, une manière douce de renouer avec elle-même. «Je me suis vue vieillir dans un atelier lumineux, proche de la nature. Le vitrail, je le savais, allait m’accompagner toute ma vie.»

© Circuit-Court
© Circuit-Court | Muriel Lassagne

Depuis 2006, Muriel s’y consacre avec cœur et délicatesse. Fondatrice de MuniVerre, elle crée des pièces uniques inspirées par la lumière, la nature et le désir de faire rayonner la beauté dans le quotidien. «Mon plus grand plaisir quand je fais du vitrail, c’est le mélange des couleurs, des textures… et de jouer avec la lumière.»

Loin de l’image figée du vitrail d’église, Muriel pratique la technique développée par Louis Comfort Tiffany. Contrairement aux baguettes de plomb traditionnelles, cette méthode utilise un ruban de cuivre qui permet plus de précision et de fluidité dans les formes. «C’est comme un casse-tête. Il faut assembler les morceaux, les meuler pour qu’ils s’ajustent parfaitement.» Cette minutie donne naissance à des œuvres sensibles, qu’on installe dans une fenêtre, qu’on suspend ou qu’on intègre à une pièce d’habitation.

© Circuit-Court | Muriel Lassagne
© Circuit-Court

L’idée derrière MuniVerre est claire : actualiser l’art du vitrail, le sortir des sentiers battus. Elle puise ses inspirations dans la nature qui l’entoure, mais aussi dans des courants artistiques comme l’Art nouveau ou le Mid-Century Modern. Son processus est lent, réfléchi, en accord avec sa philosophie de vie. Muriel adopte une démarche artisanale et bienveillante, en harmonie avec l’esprit du mouvement «slow» qui caractérise si bien la ville de Lac-Mégantic.

© Circuit-Court
© Circuit-Court | Muriel Lassagne et Victor Saliba

À cette dimension artistique s’ajoute un souci constant de durabilité. MuniVerre offre aujourd’hui des créations sur mesure pour les particuliers (impostes, panneaux décoratifs, lampes suspendues) ainsi que pour les entreprises qui souhaitent intégrer l’artisanat dans leur décor. Consciente que le verre coloré ne se recycle pas, Muriel récupère les retailles et les intègre à une ligne de produits écoresponsables. Elle redistribue également ses surplus à d’autres artistes du métier. Rien ne se perd, tout se transforme.

© Circuit-Court | Muriel Lassagne pendant un atelier

Ce qu’elle a trouvé dans le vitrail, Muriel le transmet aujourd’hui aux autres : un moment suspendu, une lumière qui apaise. Elle propose des cours d’initiation d’une journée, accessibles à celles et ceux qui n’ont aucune expérience. Chaque personne repart avec sa création. Une porte ouverte vers un monde de beauté simple, une manière d’ajouter de la couleur à son intérieur et à sa vie.

Chez MuniVerre, chaque création est pensée comme une invitation à ralentir et à regarder autrement. Le vitrail y devient un art du détail et de l’écoute, une façon d’habiter le monde avec douceur. Comme le dit si bien une citation chère à Muriel, issue du compagnonnage : «Que ceux qui travaillent de leurs mains dans une matière naturelle n’imitent pas le travail de la machine : c’est la première condition pour faire des œuvres sensibles, durables, renfermant une parcelle de cet «infini» qui les rend absolument inimitables.» Sous ses mains, la lumière devient mémoire, fragment, élan.

© Circuit-Court | Muriel Lassagne
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Situé à Audet, près de Lac-Mégantic, l’ébénisterie Philippe Foley conçoit des objets et des meubles porteurs de sens.

VIDÉO Victor Saliba
TEXTE Anne Genest
PHOTOS Rachel Fortin

Ils sont remarquables les objets et les meubles que façonne l’ébéniste Philippe Foley  à partir du bois qui l’environne. Avec sensibilité, l’artisan crée en laissant l’arbre lui suggérer le chemin à emprunter. 

«Chaque projet commence par une conversation parce que l’humain est plus important pour moi que l’objet», explique d’emblée l’ébéniste. L’artisan souhaite avant tout comprendre les besoins du client, mais aussi ses émotions, sa personnalité. Et ainsi faire transparaître dans la création le ressenti. C’est là que commence son processus créatif. Ensuite seulement vient le meuble ou l’accessoire. Philippe Foley conçoit des objets uniques, imprégnés de l’essence de la personne, et du bois qui le compose.

Tasses en bois de Philippe Foley dans son atelier de Audet
© Circuit-Court

Ce rapport au bois, il le cultive comme on tisse un lien d’amitié. «J’ai grandi entouré d’arbres. Leur présence m’apaise. Quand je vais marcher en forêt, que je sens le vent, que j’entends les oiseaux, je reviens à l’atelier avec la tête pleine d’idées.»

Lieu vaste et lumineux, l’atelier de l’artisan originaire du village d’Audet, en Estrie, est un prolongement de la forêt de son enfance. Il y crée dans un calme absolu, entouré d’odeurs de bois et de textures qui éveillent ses sens. C’est là que la magie opère. Il scie et fait sécher lui-même les essences locales qu’il utilise, parce qu’il veut tout connaître du matériau, suivre chaque étape de sa transformation. «Pour réaliser un travail de qualité, un ébéniste doit impérativement être en mesure de prédire le comportement du bois», explique-t-il. C’est ce rapport intime à la matière, nourri de techniques autant traditionnelles que contemporaines, qui guide sa pratique.

© Circuit-Court | Philippe Foley
© Circuit-Court | Philippe Foley

Diplômé de l’École nationale du meuble et de l’ébénisterie (ENME) du Cégep de Victoriaville en 2015, Philippe Foley a tout d’abord reçu une formation en ergothérapie, à l’Université McGill. Ce savoir transparaît encore dans sa façon d’approcher l’objet : il pense aux usages, à la posture, à l’ergonomie. Ce souci du détail et du confort correspond à sa quête d’esthétique et de durabilité. «Je cherche la beauté, oui, mais aussi la pérennité. Je veux que mes pièces traversent le temps.»

C’est d’ailleurs cette volonté de transmission qui l’a mené à créer sa Collection Héritage. Il conçoit ces meubles avec l’idée qu’ils seront transmis de génération en génération. À cette valeur affective s’ajoute une conscience écologique forte : utiliser de manière responsable une ressource précieuse afin de freiner la consommation de masse. Le bois qu’il travaille provient des forêts environnantes, une matière qu’il valorise jusque dans ses moindres fibres.

Couteaux à bois dans l'atelier de Philippe Foley
© Circuit-Court

Dans sa boutique, on trouve ainsi des objets originaux, pensés pour durer et s’inscrire dans le quotidien : des bols à café au lait, des verres à vin en bois, des salières et poivrières haut de gamme. Tous sont façonnés avec soin, souvent à partir d’essences locales qu’il a lui-même sciées et fait sécher. La planche à découper aimantée Fusion, faite en bois d’érable torréfié pendant 50 heures, illustre bien cette approche : en plus de son élégance, sa torréfaction ferme 90 % des cellules du bois, prolongeant ainsi sa durabilité. Vendue par centaines, elle a ouvert la voie à une gamme d’objets culinaires à la fois chaleureux et raffinés.

Ce souci de créer du lien dépasse l’objet. Il lui arrive d’ouvrir son atelier à des enfants en difficulté d’apprentissage ou en insertion sociale. Le bois devient alors un point d’ancrage, un médium pour renouer avec soi, avec les autres. « J’aime les gens autant que j’aime le bois », résume-t-il. Là encore, l’écoute est au cœur de sa démarche.

© Circuit-Court
© Circuit-Court | Philippe Foley

En choisissant de travailler lentement, avec intention, Philippe Foley s’oppose à la logique du rendement. Chaque pièce qu’il travaille est une invitation à ralentir, à ressentir. Il mise sur la qualité, la durabilité, la beauté sensible, à mille lieues des objets produits à la chaîne.

Du tronc à la table, du geste à l’émotion, Philippe Foley transforme le bois en langage. Et dans ce dialogue silencieux, il façonne bien plus que des objets : il façonne du sens.

© Circuit-Court | Philippe Foley
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