
Au Grès de la Baie : les mains dans la terre, les yeux sur la baie
Installée à Piopolis, dans la maison de ses ancêtres, Suzie Duchesneau crée une céramique à la fois fonctionnelle et sensible. Un travail artisanal nourri par la nature, le territoire et un profond désir d’ancrage.
VIDÉO Victor Saliba
TEXTE Anne Genest
PHOTOS Rachel Fortin
C’est dans un retour à la source que Suzie Duchesneau a trouvé son espace de création. Revenir vivre dans la maison ancestrale de sa famille, à deux pas de la baie, en bordure du lac Mégantic, relevait du rêve. Depuis six ans, elle y façonne des pièces à la main, en lien étroit avec le lieu et la matière.


Son atelier, Au Grès de la Baie, porte en lui cette double fidélité : à la matière — le grès chamotté, brut et texturé — et au territoire, dont elle s’inspire librement. Cet automne, elle inaugurera un nouvel espace de création, niché à l’étage d’un garage indépendant, avec vue sur la baie et les montagnes du Maine. Ce lieu lumineux accueillera bientôt celles et ceux qui souhaitent, comme elle, plonger les mains dans la terre.
Ce que Suzie cherche dans la céramique dépasse l’objet. Chaque pièce commence par une sensation — la température de l’air, une mélodie, une lumière de fin de journée. Le geste s’ajuste, la forme émerge. « Je ne me mets jamais de contraintes pour le premier modèle. Je me laisse guider par ce qui m’habite. »

Toutes ses créations portent l’empreinte du paysage. Inspirée par les lieux et les figures mythiques de la région, elle conçoit des tasses, assiettes, bols, pichets et plats utilitaires en petites séries. Parmi elles, le Grand Verre Latté “Malmo”, tourné à la main, allie finesse et texture. Recouvert d’un émail sobre qui laisse transparaître la beauté naturelle du grès, il incarne bien cette esthétique rustique et raffinée à la fois.
Chez Suzie Duchesneau, la céramique est un art de vivre. Ses pièces mêlent douceur et densité, simplicité et caractère. Rien d’ostentatoire : seulement des formes pensées pour la main, pour le quotidien, pour durer. Les émaux choisis, toujours organiques et chauds, amplifient la présence silencieuse des objets.


À Piopolis, le rapport à la nature et à la communauté est partout. Il imprègne le travail de Suzie. Travailler la terre, pour elle, c’est revenir à l’essentiel : « Ce métier nous ramène au moment présent. À soi. Aux autres. »
Sa démarche s’enrichit aussi de ses séjours réguliers en France, où elle se forme auprès de potiers expérimentés. Ces échanges nourrissent non seulement sa technique, mais aussi une vision profondément humaine du métier : lente, incarnée, partageable.

C’est cette qualité de présence qu’elle transmet dans ses cours de céramique, donnés en petits groupes de deux personnes. « J’aime prendre le temps. Observer les gens progresser. Créer un espace où on peut vraiment échanger. »
Dans son atelier, le silence a une place. La lumière aussi. Entre la baie, les montagnes et la matière, Suzie Duchesneau façonne des objets qui apaisent autant qu’ils rassemblent. Des objets faits pour durer, pour être tenus, pour faire partie de la vie.
